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vendredi 1 juillet 2016

Il y a 100 ans commençait la bataille de la Somme.


En cet anniversaire du début de la bataille de la Somme, combat le plus meurtrier de l'histoire britannique, je vous propose la réédition d'un article que j'avais publié il y a 2 ans. De nombreuses commémorations ont lieu à compter d'aujourd'hui pour rendre hommage à nos frères d'armes d'outre manche sans oublier les dizaines de milliers de Français tombés sur ce champs de bataille.
Rien ne prédisposait la Somme, plus particulièrement une zone s'tendant de Bapaume à Chaulnes en passant par Albert, Bray sur Somme, Péronne et Rosière en Santerre, à devenir une bataille symbolique de la première guerre mondiale. Et pourtant, si en 1914, ce secteur ne devait être dans les plans de chaque belligérants qu'un simple axe de passage, il fera l'objet en 1916, puis en 1918 (offensives Ludendorff), de combats terriblement meurtriers mais aussi d'une réelle coopération opérative entre Britanniques et Français qui se battaient jusque là côte à côte sans réelle coordination.
Elle est également le symbole de la dimension mondiale de ce conflit puisque des soldats français, allemands, britanniques, canadiens, australiens, néo-zélandais, sud-africains, indiens ou africains s'y battront sans compter les travailleurs chinois, indochinois ou malgaches.


L'offensive sur la Somme est en fait décidée à Chantilly le 29 décembre 1915 lors d'une conférence interalliée entre chefs français et britanniques, ces derniers devant prendre en charge le secteur nord entre Arras et la Somme avec plus de 20 divisions. L'attaque allemande sur Verdun précipita la décision de maintenir la poussée dans cette région pour soulager la pression en Meuse même si le rapport de forces a évolué avec le renforcement français à Verdun.
Conscient des faiblesses des jeunes recrues britanniques peu expérimentées, le général Haig veut écraser les positions ennemies sous une préparation d'artillerie longue et brutale puis faire progresser en masse ses unités afin prendre les positions allemandes. Ainsi, le 24 juin 1916, un bombardement d'une incroyable intensité débute avec près d'un million d'obus tirés. Vingt mines préparées par les sapeurs britanniques explosent à 7h30 en simultanée le matin du 1er juillet avant que 13 divisions britanniques et 6 divisions françaises, soient 100 000 hommes, se lancent à l'assaut sur un axe allant d'Albert à Bapaume. Mais les abris allemands ont tenus bon (pas assez d'explosif brisant par rapport aux shrapnels dans les obus, défectuosité de certaines munitions). Les mitrailleuses déciment donc l'offensive avec, à la mi-journée, 60 000 soldats britanniques qui sont tués ou blessés. C'est un véritable choc pour le Royaume-Uni. Les quelques percées comme entre Ovillers et Longueval ne sont pas exploitées par un commandement tétanisé ou bercé de certitudes. En effet, du 4 au 13 juillet la 4ème armée britannique lancera 46 offensives et perdra encore 25 000 hommes. Après quelques succès locaux mais limités comme celui de la Crête de Bazentin (courte concentration de l'artillerie sur un point et assaut dans la foulée), la situation se stabilisa. Le 15 septembre, 11 divisions britanniques, deux divisions canadiennes et 4 corps d'armée français relancent une nouvelle offensive en engageant pour a première fois des chars. Sur les 49 engins disponibles, 28 tombent en panne et les autres ne remplissent pas leurs objectifs. L'avancée générale n'est que de 3 km mais les pertes terribles imposent d'arrêter les opérations et de ne mener que quelques coups de main de faible envergure. A l'automne 1916, les Alliés reconnaissent que la percée sera, pour le moment, impossible et qu'ils doivent se contenter des 8 km de terrain conquis, laissant ainsi les Allemands se rétablir sur la nouvelle Ligne Hindenburg (permettant de raccourcir le front en s'appuyant sur des obstacles naturels, de concentrer les moyens et de fortifier les positions).
La bataille aura coûté 650 000  tués ou blessés aux Alliés et 580 000 hommes aux troupes allemandes. Sur les 52 divisions britanniques qui prennent part à la bataille, 15 essuient des pertes supérieures à leurs effectifs et 25 ont des pertes équivalentes à plus de la moitié de leur dotation en hommes. Près de 19 millions d'obus sont tirés et les mitrailleuses comme les tactiques défensives montrent leur supériorité. Néanmoins, les Alliés apprennent de leurs erreurs et tirent des enseignements de ces combats comme la concentration des feux sur un objectif, l'inutilité des longues préparations d'artillerie ou l'assaut derrière le feu roulant afin d'atteindre les lignes ennemies avec le maximum de potentiel.
De son côté l'armée allemande, dès le début de la bataille mise sur ses positions fortifiées, bétonnées et l'expérience de plus de 520 000 hommes aguerris. Pour eux également la Somme sera une rupture. En fait, sous ce qu'Ernst Jünger décrira comme un "orage d'acier" d'une puissance inouïe, les troupes du Kaiser vont, très vite, décentralisés le commandement jusqu'aux niveaux subalternes créant ainsi un terreau fertile pour les futurs "StossTruppen" (voir notre article http://lechoduchampdebataille.blogspot.fr/2011/11/imagination-dans-la-guerre-la-tactique.html). Néanmoins leur défense acharnée va affaiblir l'armée allemande qui ne se remettra jamais de cette saignée.
Dans le camp français c'est Foch qui commande le groupe d'armées du nord et prépare l'offensive. Son idée est bien de mener des assauts successifs avec un terrain préalablement conquis par le canon. Mais la bataille de Verdun vient bouleverser les plans puisque la moitié des 42 divisions prévues rejoint l'est de la France mais aussi de nombreuses pièces d'artillerie. Pour autant, l'attaque des unités françaises connaît un meilleur sort que celle des Britanniques mais ne peut être exploitée dans la durée avant de connaître les mêmes affres que précédemment explicités comme à Sailly Saillisel. Foch perd  200 000 tués, blessés et disparus et ne peut relancer un ultime assaut en décembre, les ordres étant annulés par le général Nivelle qui vient de prendre la tête des armées françaises. En somme comme ailleurs, de nombreuses unités coloniales, cette "force noire" décrite par Mangin s'illustra à l'image du 61ème bataillon de tirailleurs sénégalais qui s'illustra à Biaches en juillet 1916.
Au bilan, si la bataille de la Somme a souvent été, en France, occultée par celle de Verdun, elle demeure un symbole fort pour les Britanniques qui ont pris conscience à cette occasion de la violence de la première guerre mondiale. Mais au-delà de ces perceptions particulières, ces combats marquent une vraie rupture tactique dans les modes d'action utilisés par les belligérants. Les assauts massifs et l'emploi dilué de l'artillerie sur de grandes portions du front montrent leurs limités face à des positions défensives préparées et tenues par des troupes aguerries capables d'initiatives locales efficaces. Pourtant, quelques mois plus tard, le commandement français fera les mêmes erreurs sur le Chemin des Dames, sous-estimant les Allemands, utilisant erratiquement les quelques chars disponibles avant de lancer les fantassins sans la protection d'un rideau de feux indirects. 
Rendons donc hommage à ces soldats qui, par leur sacrifice dans des conditions d'engagement épouvantables, n'ont jamais renoncé.
Sources :

Photographie : BDmétrique .com
Carte : blog histoire géo de monsieur Auger.

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